GEOLOGIE DE LA PROVENCE

On se limitera à la véritable Provence, celle de Pagnol, qui s’étend au sud de l’axe Durance-Verdon, dans les départements des Bouches du Rhône et du Var. Ce n’est pas un ensemble isolé car on peut y voir la fin du domaine pyrénéen dont elle est séparée par la zone effondrée du golfe du Lion, mais, en même temps elle participe à l’histoire alpine car elle appartient, au moins au début de son histoire, au bassin du SE, l’un des trois grands bassin sédimentaires français qui englobe aussi les chaînes subalpines méridionales. D’ailleurs les plis E-W les plus septentrionaux comme les Alpilles et le Luberon sont autant alpins que provençaux.
On ne traitera pas la partie paléozoïque (Maures et Estérel).

                                          Histoire géologique

Nous la ferons donc débuter avec le  Trias. A cette époque, la future Provence fait partie d’un grand bassin de subsidence couvrant le SE de la France, où la série est de type germanique avec un Keuper épais de plusieurs centaines de mètres (1000 m aux Angles près d’Avignon, dont 400 m de sel massif), reconnu par plus de 80 forages pétroliers. On peut en déduire qu’il va fonctionner comme un niveau de décollement préférentiel. La couverture sus-jacente se plissera donc indépendamment du socle si bien que la Provence sera une chaîne de couverture typique.
La partie provençale de ce grand bassin de subsidence était limitée au N et au S par des seuils représentant des paléoreliefs hercyniens. Cette disposition va commander la sédimentation jurassique du Lias à l’Oxfordien, car on y retrouve la zone subsidente antérieure sous la forme d’une vasière à ammonites, de type subalpin, limitée, surtout au S, par un escarpement de failles, à sédimentation calcaréo-dolomitique plus réduite. Cette limite varie naturellement suivant les époques, la « vasière subalpine » connaissant son maximum d’extension à la fin de l’Oxfordien (fig. 1)(1) . La plate-forme épicontinentale méridionale devait, vers le S, s’appuyer sur une zone émergée située actuellement sous la mer, en prolongement possible de la zone axiale pyrénéenne.

Au Jurassique supérieur, l’escarpement sud s’élargit vers le NE. Ce changement paléogéographique est lié à cette régression générale que l’on observe en France à la même époque (écho lointain de plissements téthysiens). Sur l’escarpement, par ailleurs élargi, se déposent des calcaires coralliens blancs, parfois dolomitisés, dits « calcaires blancs de la Provence ». Ils forment le plan de Canjuers (gorges du Verdon), de grands plateaux karstiques entre Aubagne et Brignoles, et contastentt avec les calcaires de faciès tithonique qui règnent plus au N (montagne Ste Victoire).

 Au Crétacé inférieur, le schéma reste le même. La future Provence est en bordure méridionale du bassin vocontien. En Provence N, les séries sont donc de type vocontien, épaisses, calcaréo-marneuses (600 m d’Hauterivien dans les Alpilles et le Luberon). Plus au S, l’ancienne plate-forme jurassique supérieur existe toujours mais progresse vers le N, dessinant un talus plus étroit, assez fracturé, où l’on voit donc, juxtaposés, des seuils à dépôts calcaréo-dolomitiques, et des sillons à dépôts plus marneux (pierres à ciment localement).
Au Barrémo-Aptien, se produit le soulèvement d’une immense plate-forme à fleur d’eau, celle de l’Urgonien, avec ses calcaires blancs, massifs, qui forment le versant N des Alpilles, les calanques de Cassis ou les îles de la rade de Marseille. Cet Urgonien provençal est identique à l’Urgonien dauphinois, bien que localement plus crayeux : c’est le cas des carrières d’Orgon (stratotype de l’Urgonien) qui ont jadis fourni des rudistes complets faciles à dégager de leur gangue.
La fin du Crétacé inférieur est une époque importante car la collision Afrique-Eurasie commence. La région provençale est mise en compression et dessine une grande voûte très surbaissée qui relie le massif Central et l’ensemble  Maures-Estérel, déjà émergé. C’est l’isthme durancien des anciens auteurs, plutôt dit maintenant « bombement durancien », qui limite au S la mer alpine à laquelle la Provence va ainsi échapper définitivement.
Sur cette voûte l’érosion subaérienne va façonner une surface karstique dans laquelle seront piégées des bauxites (étym. les Baux), mélange d’hydrate d’alumine et d’oxyde de fer (dont la proportion déterminera la couleur de la bauxite, de blanc à brun rouge).

On a cru pendant longtemps que la bauxite résultait de la latéritisation de roches cristallines et on la faisait donc venir des Maures, du Massif Central. On sait maintenant qu’elle est liée à l’altération des minéraux argileux contenus dans les divers niveaux marneux du Crétacé ou du Jurassique ramenés à la surface par le bombement durancien.

La bauxite remplit des cavités karstiques creusées dans les calcaires urgoniens à l’W (Les Baux), puis hauteriviens ou portlandiens (St Maximin) et finalement jurassique moyen à l’E de Brignoles. L’exploitation, commencée historiquement vers les  Baux, s’est peu à peu déplacée vers Brignoles où elle a cessé en 1991 .(2)
Cette répartition semble bien indiquer que l’isthme se relevait vers l’E, en direction des Maures-Estérel. Mais il est très difficile de reconstituer la morphologie du bombement car il a été fracturé et morcelé par les phases tectoniques ultérieures. Il est d’ailleurs aussi possible qu’il n’ait pas été une voûte régulière et continue, mais  qu’il ait été constitué de plusieurs ondulations anticlinales. Il faudrait donc plutôt parler de bombements provençaux. On admet aussi que les bombements en question aient pu être diachrones et se former de l’Albien jusqu’au Cénomanien.

En bordure de la Méditerranée, on trouve un reste de la mer dont est sorti l’ « isthme » durancien. C’est un golfe marin venant du domaine pyrénéen, le golfe pyrénéo-provençal, qui joignait auparavant l’Atlantique et la Mésogée. Mais la naissance de l’isthme a supprimé cette communication et le golfe en question se termine maintenant en doigt de gant au nord de Toulon contre le massif corso-sarde. Aussi l’appelle-t-on désormais golfe de Basse Provence.
 Il s’y dépose des sédiments albo-aptiens où l’on a fixé le stratotype du Bédoulien (Aptien inférieur), à la Bédoule, entre Cassis et Aubagne.

Le Crétacé supérieur. Cette époque est caractérisé par deux phénomènes : une grande transgression mondiale et la collision Afrique-Europe liée à l’ouverture de l’Atlantique sud..

La transgression va partir du golfe de Basse Provence et se diriger peu à peu vers le nord, puisque, au sud de ce golfe et sous l’effet de la collision africaine, les premiers plis provençaux se forment, forcément en position très méridionale, donc, pour l’essentiel, actuellement cachés sous la mer, mais ils repoussent le golfe de Basse Provence sur le bombement durancien qui va être progressivement envahi car il était resté peu surélevé.

Cette transgression néocrétacée en Basse Provence mérite d’être détaillée car elle se fait de façon syntectonique, en ce sens que ses dépôts progressent vers le N au front du plissement, à la faveur de larges ondulations synclinales où peuvent se déposer des sédiments sur d’assez grandes épaisseurs.

1. Le Crétacé supérieur marin. Le Cénomanien, le Turonien et la base du Sénonien (3) s’observent dans le bassin du Beausset, de Cassis à cette dernière localité.

 La falaise du cap d’Ail près de Cassis nous en donne une belle coupe. On y voit des grès, parfois grossiers, avec même des conglomérats traduisant les apports torrentiels dévalant les premiers reliefs, forcément plus méridionaux, conglomérats dont le plus célèbre est celui du Bec de l’Aigle à la Ciotat .(4) Mais l’essentiel de la sédimentation est constituée par des marnes et des calcaires à Rudistes (Santonien), dont des Hippurites, qui forment parfois de véritables récifs comme celui de la Cadière, au NE de Toulon. L’épaisseur des sédiments est de l’ordre de 500 m dans l’axe du bassin, plus faible sur les bordures.

2. Le Crétacé supérieur lacustre. Le soulèvement progresse vers le N, refoulant la mer à son front, mais finit par la transformer en lac, si bien que, dans cette Provence nord, les dépôts du Crétacé supérieur sont uniquement lacustres, avec des lignites, jadis exploités dans le bassin de  Gardanne-Fuveau comme combustible pour traiter la bauxite (5). Les géologues provençaux ont donc créé pour ces couches non marines l’étage Fuvélien (étym. Fuveau), qui est l’équivalent  du Campanien marin. Le Fuvélien repose directement sur le Crétacé inférieur ou le Jurassique supérieur.
Un peu plus tard, à la fin du Sénonien (Maastrichtien), les dépôts, toujours lacustres, sont rejetés encore plus au nord, dans le bassin d’Aix-en-Provence. Mais, en même temps, les mouvements tectoniques se sont accentués au point de constituer la première phase de plissement de la Provence, qui modifie suffisamment la morphologie pour que les dépôts de cette époque se déposent en discordance sur le Crétacé inférieur ou le Jurassique supérieur.

Ces sédiments crétacé supérieur sont surtout des calcaires lacustres et des grès argileux, dont l’épaisseur peut atteindre 600 m d’épaisseur. On les désigne sous le terme local de Bégudien  pour le Maastrichtien inférieur, et de Rognacien pour le Maastrichtien supérieur. Ce dernier est formé de  300 m de calcaires lacustres blancs et de grès argileux rouges à œufs et ossements de grands dinosaures herbivores. Les gisements les plus riches se trouvent au pied de la montagne Ste Victoire, le long de l’A6, et à Fox-Amphoux, au nord de Salernes.
Mais, en raison des mouvements tectoniques qui se produisent en même temps, ces dépôts lacustres sont parsemés d’amas bréchiques et conglomératiques (galets crétacés et jurassiques) provenant d’éboulements ou d’apports torrentiels issus des flancs des premières rides anticlinales apparues, comme celle de la Ste Victoire.

 C’est avec ce Maastrichtien lacustre que se termine l’ère secondaire, d’une façon insensible d’ailleurs car ces faciès se prolongent dans le début du Tertiaire et on ne peut les distinguer que par la disparition des œufs de dinosaures remplacés par des œufs de grands oiseaux : c’est le Vitrollien des géologues provençaux, également constitué de marnes gréseuses rouges. Lui aussi reçoit des éboulements des reliefs naissants (brèche du Tholonet,  à la Ste Victoire).

L’Eocène moyen est constitué de calcaires lacustres associés à des marnes. Le plus spectaculaire de ces calcaires lacustres se trouve sur le versant sud de la montagne Ste Victoire où il ceinture le petit plateau du Cengle (cingulum, ceinture) d’une falaise régulière, horizontale, très nette dans le paysage.  Il représente le dernier sédiment déposé au cœur du synclinal d’Aix, car, immédiatement après intervient une importante phase de plissement.

Le plissement paroxysmal tertiaire.
A l’Eocène supérieur, se produit la deuxième phase provençale, qui est la phase paroxysmale et met en place les grandes lignes de la structure actuellement visible. Comme c’est une époque essentielle pour la genèse de la Provence, on va examiner successivement les déformations et la sédimentation qui l’accompagne.

1. Les déformations. En plus de quelques nouvelles structures qui apparaissent, la contraction éocène accentue et soulève les édifices déjà ébauchés à la fin du Crétacé.

C’est surtout le cas des anciens anticlinaux néocrétacés,  éventrés par l’érosion qui a régné entre les deux phases. En leur cœur le Trias arrive à la surface. C’est alors que se mettent en place les grandes bandes triasiques si caractéristiques de la Provence. D’autres anticlinaux, plus étroits et à lèvres proches vont subir une évolution différentes en ce sens que les deux lèvres, désolidarisées par l’érosion, vont avoir un comportement différent en donnant des structures de vergence opposée. C’est ce qu’on appelle la morphotectonique, c’est à dire une tectonique faisant intervenir la morphologie du paysage soumis à la déformation. Les deux exemples classiques sont ceux de la Ste Victoire et de la Ste Baume  dont l’évolution est résumée sur la figure suivante (fig.2) :

2. La sédimentation oligocène.
Uniquement de type lacustre, elle s’installe  dans des dépressions séparant les reliefs apparus lors des mouvements dont il vient d’être question. Ces lacs n’ont plus rien à voir avec ceux de la fin du Crétacé et leurs dépôts peuvent être discordants sur toutes les formations antérieures. Ils se cantonnent dans la partie rhodanienne de la Provence. Les plus importants sont ceux de Marseille et d’Aix-en-Provence.

L’essentiel de la série y est constitué d’argiles gréseuses rouges (1000 m d’épaisseur dans le bassin de Marseille, 300 m aux Milles près d’Aix-en-Provence) exploitées pour la fabrication de tuiles et de tomettes. Ces argiles sont associées à des calcaires lacustres qui ont fourni dans le bassin d’Aix une riche flore tropicale et une faune variée. Des intercalations de gypse et la présence de poissons d’eau salée traduisent des apports momentanés d’eau marine, probablement issus des résidus de la mer alpine chassée par le soulèvement des Alpes. 
Il y a aussi localement des amas de brèches représentant les produits d’écroulements des massifs bordiers. Un bon exemple est celui des brèches ceinturant la butte urgonienne de N.D de la Garde. Il y a aussi des conglomérats torrentiels déposés par les cours d’eau qui venaient se jeter dans le bassin et qui, suffisamment consolidés supportent la gare St Charles, le fort St Jean et le palais du Pharo à l’entrée du vieux port.

L’Oligocène du bassin d’Aix se prolonge vers le N en rive droite de la Durance jusqu’à Manosque et au delà, et seulement en rive droite. Son dépôt est manifestement conditionné par le jeu d’une grande faille qui suit ce tronçon de la Durance et a probablement une origine tardihercynienne  (faille de la moyenne Durance ou faille d’Aix, toujours sismiquement active). De fait, tout au long de cette faille, l’Oligocène est envahi de brèches et de conglomérats issus du démantèlement des paléoreliefs de la rive gauche.

Les dépôts oligocènes peuvent reposer en discordance sur n’importe quel terrain plissé antérieurement, voire même sur des contacts chevauchants, ce qui permet de  dater ces derniers. Ils seront eux-mêmes plissés par la crise oligocène qui clôt ce cycle de déformation. Elle achève la Ste Victoire et la Ste Baume (fig.2), provoquant aussi les chevauchements à vergence opposée de type Rians.

Les évènements néogènes. 
1. Ils sont d’abord liés à l’ouverture du golfe de Gênes qui, dès l’Oligocène, crée la côte méditerranéenne et soulève ses épaules, dont le massif des Maures fait partie.
 La Provence va donc basculer vers l’ouest, en direction du golfe du Lion qui s’affaisse aussi mais pour d’autres raisons (distension de l’axe de fragilité oligocène du couloir rhodanien). Ces deux processus créent une gouttière périalpine qui va conduire la transgression miocène de la Méditerranée dans le couloir rhodanien.

Le Miocène inférieur (Burdigalien) n’affleure qu’au Cap Couronne, Istres, seuil de Lamanon, les Baux. Il est représenté par un calcaire gréseux riche en fossiles, la molasse calcaire ou pierre du Midi, très exploitée dès l’antiquité car elle est facile à scier en carrière et durcit ensuite à l’air. Elle est la pierre de construction de tous les monuments anciens de la région. 
Au Miocène supérieur (Helvétien), la transgression s’affirme dans la vallée du Rhône, mais, en Provence, la mer ne s’avance que dans la basse vallée de la future Durance en y déposant des marnes sableuses et des calcarénites à huîtres et Chlamys. Elle ne dépasse pas la faille oligocène Aix-moyenne Durance qui devait donc faire toujours relief. Au delà, le Miocène n’est plus représenté que par des formations lacustres qui subsistent dans la région de Rians et de Salernes.
Mais, à la fin du Miocène,  la faille va rejouer en sens inverse : c’est le compartiment Est qui s’affaisse par rapport à l’autre. Il reçoit alors des produits détritiques plus ou moins grossiers, d’origine fluviatile qui témoignent du soulèvement en cours des chaînes subalpines et amorcent le grand épandage pliocène du plateau de Valensoles.

2. En cette fin du Miocène, se produit un autre événement, le plissement de la Provence nord (Luberon, Alpilles) qui est contemporain de celui des chaînes subalpines méridionales. Ce raccourcissement de l’avant-pays provençal nord se traduit par un épaississement de la croûte, donc un soulèvement qui fait basculer la Provence vers le sud. En même temps, le golfe de Gênes s’élargit, ce qui entraîne la détumescence thermique de sa marge nord, donc l’affaissement des Maures qui contribue aussi à ce basculement de la Provence vers le S . (6)

Tous ces mouvements néogènes s’accompagnent de jeux de blocs séparés par des failles (l’un des plus curieux est le horst triangulaire du massif d’Allauch, entre Marseille et Aubagne, qui surgit du bassin oligocène). Le massif de la Ste Baume se soulève aussi suivant un plan incliné vers le S (suffisamment régulier pour qu’on y ait construit le circuit du Castellet).
Dans ces jeux de blocs, la faille d’Aix a dû certainement jouer à plusieurs reprises, comme on l’a dit. Apparue à l’Oligocène, elle est encore sismiquement active. Elle se prolonge en fait jusqu’à Marseille et c’est probablement elle qui donne ensuite l’escarpement sous-marin portant le phare du Planier, 10  km plus au sud. 

Au Pliocène, la Méditerranée envahit les principales vallées du littoral ainsi transformées en rias , (7) y compris celle du Rhône et celle de la Durance jusqu’au pied du Luberon.
 Les dépôts sont les classiques marnes bleues plaisanciennes, rares à l’affleurement et  connues seulement par forages. Vers l’Est, ces marnes sont envahies par des conglomérats descendus des Alpes ou de reliefs provençaux, qui forment le plateau de Valensoles (entre le canyon du Verdon et Digne). La ria se comble et la mer va prendre ses limites actuelles.

Pour ce qui est du Quaternaire, on se limitera à mentionner :

1 - la Crau, inséparable de la Provence. C’est un ancien delta édifié par la Durance qui se jetait jadis directement dans la mer après avoir traversé le « pertuis de Lamanon » (qu’utilise l’A7 entre Sénas et Salon) (fig.3). En fait ce delta est composé de deux parties d’âge différent. La Vieille Crau ou Crau d’Arles, au N, date du Villafranchien (limite Pliocène-Quaternaire) et peut-être du Quaternaire ancien. Elle est d’ailleurs affectée de légères déformations tectoniques. Au Sud, vient la Jeune Crau ou Crau de Miramas, attribuée à l’interglaciaire Riss-Würm car les galets cristallins y sont beaucoup plus nombreux (érosion des moraines rissiennes). Au Würm, la Durance a été capturée par un affluent du Rhône et a abandonné le passage de Lamanon.
                                    
2 -  L’ennoiement de la côte méditerranéenne par la remontée du niveau de la mer post-würm. Ce qui entraîne la formation des îles de Marseille et d’Hyères, de l’étang de Berre et des calanques (avec submersion de la grotte Cosquer, habitée à -20 000 ans).

La remontée de la mer, bien connue à l’échelle mondiale, s’est faite à des vitesses variables.
A -20 000 (maximum würmien et âge des peintures de la grotte Cosquer), la mer est à -120m (donc la grotte était à une soixantaine de mètres au dessus du rivage). La déglaciation commence vers – 13 000. Le niveau de la mer remonte d’abord rapidement puisque, à – 8 000, il a gagné 100m. Il faut ces derniers 8000 ans pour remonter les 20m restants, soit 2,5 m par millénaire (2,5 mm/an).
Appliquons ces chiffres au port romain de Marseille, vieux de 2000 ans. Dans ce laps de temps, la mer est remontée de 5m. Le port romain devrait donc être sous 5m d’eau. Or les fouilles archéologiques l’ont retrouvé à + 5m. Le substratum rocheux de la ville s’est donc élevé de 10 m en 2000 ans, traduisant que le plissement provençal est sans doute toujours en cours. Ce que manifestent aussi les séismes provençaux. D’où :

3 -L’activité sismique de la Provence. Elle est cantonnée dans le couloir sismique de la moyenne Durance, c’est-à-dire, la faille d’Aix, qui donne un séisme de magnitude moyenne de 5,5 par siècle. Le mécanisme est celui d’un décrochement sénestre, donc déplaçant le panneau est-provençal vers le N (le raccourcissement provençal est plus intense du côté alpin de la faille, ce qui est logique).
Il faut aussi évoquer le séisme de Lambesc qui fit 40 morts en 1909. On l’attribue  au jeu de l’anticlinal de la Trévaresse, un petit pli anticlinal né en même temps que les Alpilles et le Lubéron, à la fin du Miocène. Mais il peut aussi d’agir du jeu d’une faille satellite de celle d’Aix.

 

Structure géologique actuelle

Elle est celle d’une chaîne de couverture typique, décollée de son socle dans les évaporites du Trias. Son plissement s’accompagne d’un glissement général vers le N, vergence qui est celle de la plupart des chevauchements visibles sauf aux approches des plis subalpins qui sont, eux, à vergence sud.

Nous allons décrire les structures chevauchantes en allant du Sud au Nord (fig. 3).

1. Le chevauchement de Bandol. On n’en a plus que sa partie basse, l’érosion n’ayant laissé aucun terme plus récent que le Jurassique moyen. Il se fait sur le bord sud du synclinal du Beausset, en y laissant la célèbre  klippe du Beausset . (8) Au sud de ce chevauchement, celui du Cap Sicié, à matériel cristallin, et mal connu en raison de l’urbanisation, est le seul point où la tectonique propre du socle est visible.
2. Le chevauchement de la Ste Baume. Cette fois, c’est le bord nord du synclinal du Beausset qui chevauche un synclinal plus septentrional, celui du Pland’Aups et son prolongement E, le synclinal de Mazaugues et du Camps, près Brignoles. On en a décrit la genèse, faisant intervenir la morphotectonique. Ce chevauchement s’enracine à l’E, près de Brignoles, dans la montagne de la Loube. En revanche, vers l’W, les choses ne sont pas nettes car le chevauchement est interrompu par l’accident transverse de Roquevaire, plus ou moins injecté du Trias de l’Huveaune.
3. Le chevauchement Nerthe-Etoile-Mt Aurélien, qui se fait sur le synclinal d’Aix rempli d’épais sédiments finicrétacés-éocènes qui n’existent pas plus au sud. A l’E du Mt Aurélien, le chevauchement est interrompu par la bande triasique de Barjols dont nous parlerons plus loin et ne se retrouve pas au delà.
4. Le chevauchement de la Ste Victoire. Il se fait sur le synclinal d’Aix mais en sens inverse du précédent, c’est-à-dire qu’il est à vergence Sud. Les brèches de l’Eocène inférieur qu’il chevauche montrent que le plissement est éocène supérieur mais il a certainement rejoué à l’Oligocène, car le Miocène d’Aix  en recouvre la terminaison Ouest.
5. L’anticlinal faillé des Alpilles, légèrement déversé vers le sud.

.           Fig.3        
                  

6. Les bandes triasiques.  Les bandes les plus importantes sont les « arcs » de Barjols et de Carcès. Il ne faut pas y voir des diapirs de Keuper mais des anticlinoriaux rassemblant des plis serrés de calcaires du Muschelkalk, parfois associés à des cargneules. Leur structure de détail est assez chaotique, les paysages correspondants confus, sans lignes directrices nettes.
Comme ces bandes recoupent à l’emporte-pièce les structures précédentes, on les considère généralement comme des déchirures de la couverture provençale lors de son glissement vers le nord, déchirures liées à des accidents antérieurs (failles ou plis) éventrés par l’érosion.
 Ces accidents originels ont plusieurs orientations possibles :
  - soit E-W (arc de Carcès, arc de Barjols sud-Brignoles) et, dans ce cas, ils résultent de l’éventration de plis liés aux phases provençales.
  - soit NE-SW (arc de Barjols médian) et NW-SE (Barjols nord), d’interprétation encore discutée. Il peut s’agir de deux directions conjuguées qui évoqueraient une ancienne fracturation liée à une contrainte N-S, ou d’anciens accidents décrochants transverses aux plis provençaux et liés à la mise en place discontinue de la couverture provençale.

En conclusion, la Provence est un édifice complexe parce qu’il s’agit d’une chaîne de couverture sur laquelle  l’érosion aérienne a longtemps agi, à savoir dès le Crétacé moyen sur certains secteurs (l’isthme durancien), dès la fin du Crétacé sur l’ensemble de la région. Le matériel, ainsi attaqué et fragmenté, a perdu beaucoup de sa cohésion et s’est trouvé découpé en compartiments, si bien que, lors des plissements successifs, chacun a réagi comme il le pouvait, tant dans sa propre architecture que dans ses rapports avec les compartiments voisins. Ce style particulier a été désigné, comme on l’a dit, sous le nom de morphotectonique. Il en résulte une mosaïque de structures, d’âge et de style souvent différents, où l’on a du mal à trouver une certaine logique, et dont les rapports mutuels sont très discutés.
Enfin l’urbanisation intense de cette région ne facilite pas les études de terrain. Elle a certes entraîné de nombreux sondages qui ont apporté des données sur les structures profondes mais n’ont pas toujours simplifié leur interprétation.

 

(1)Attention aux reconstitutions paléogéographiques que l’on a tendance à dessiner sur une carte actuelle de la Provence, qui est une Provence plissée, alors qu’il faudrait d’abord dérouler les plis et remettre à leur place primitive les paquets déplacés.

 (2) Péchiney importe maintenant la bauxite de la Jamaïque, d’Afrique (Guinée) et d’Australie.

  (3)Rappel de la stratigraphie du Sénonien, dernier étage du Crétacé : de bas en haut, se succèdent Coniacien, Santonien, Campanien, Maastrichtien.

(4)Dans la partie N du promontoire, le Turonien a son faciès normal à Hippurites, tandis que dans la partie sud, on les voit passer, par intercalations, à des poudingues torrentiels à gros blocs de roches cristallines issues de reliefs inconnus, cachés sous la mer.

(5)Les dernières mines ont fermé en 2003 et la centrale de Gardanne qui brûlait le lignite, est alimentée par du charbon importé. Pour donner une idée de l’importance de ces anciennes exploitations, il y avait 51 puits et 839 descenderies. Certains puits sont maintenant aménagés pour des visites touristiques (Puits Hély d’Oissel, près Gréasque, siège d’un musée de la Mine).

  (6)Ce qu’illustre la petite coulée volcanique de Ste Anne-d’Evenos, près de Toulon, qui coule bien  vers le sud, en direction de la mer où elle aboutit au cap Nègre.

  (7)Y compris les cayons sous-marins

(8)Célèbre parce qu’elle est à l’origine de la notion de nappes. Marcel Bertrand, en 1887, avait remarqué en effet que des galeries d’extraction de lignites passaient sous le lambeau  jurassique du Beausset sans en traverser sa « racine » (le lambeau était considéré comme une tête anticlinale triasiqueémergeant des terrains  crétacés).

Jacques Debelmas

 

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